Si l’innovation est vitale pour les sociétés, elle représente un moteur de stimulation pour les collaboratrices et collaborateurs.
Le cercle vertueux de l’innovation favorise, de plus, la passion des collaboratrices et collaborateurs pour leurs activités et leur entreprise. Steve Jobs, fondateur d’Apple, résume très bien ce sentiment en une phrase-clé : « L’innovation, c’est une situation qu’on choisit parce qu’on a une passion brûlante pour quelque chose. »
Innover, c’est aussi devancer les besoins des clients et générer, là encore, de la satisfaction. Certaines entreprises ont même associé leurs clients dans leurs processus d’innovation, principalement dans l’inventaire des ressentis négatifs dictant les priorités de recherche d’axes novateurs et la découverte de leurs besoins pas ou mal résolus.
Si l’innovation s’avère une valeur indéniable pour une firme, elle n’est pourtant pas naturelle.
Dans leur ouvrage « Marketing Management », Delphine Manceau, Philip Kotler, Kevin Keller et Bernard Dubois, estime le nombre d’innovateurs à 2,5% des personnes composant les ressources humaines des entreprises. A celles-ci s’ajoutent 13,5% de celles et ceux qu’ils qualifient « d’adopteurs précoces ». Les autres ont besoin d’être mobilisés pour casser leur carcan et ouvrir leurs esprits aux plaisirs de la créativité et de l’innovation.
Pour atteindre cette plateforme de culture ouverte à la recherche des nouveautés, il n’existe pas de remède miracle. Cependant, j’ai observé durant mes diverses expériences quelques aspects à respecter si nous voulons réussir notre démarche d’innovation (voir les 11 étapes ci-dessous).
Plusieurs savants ont prouvé l’incommensurabilité du pouvoir créatif de notre cerveau. Stimulons-le puisqu’il n’a pas de limites clairement établies. Libérons-le pour le transformer en machine à produire des idées et à valoriser nos parcours de vie.
Les 6 champs d’application de l’innovation
« L’imagination est au cœur de l’entreprise.
Faire des budgets ne suffit pas.
Il faut aussi savoir rêver. »
Michael Porter, Professeur de stratégie d’entreprise
L’innovation peut s’exercer dans des domaines très différents. J’en ai répertorié 6. Chacun d’entre eux crée assurément une notion d’épanouissement et de plaisirs pour l’entreprise, pour son personnel et pour ses clients :
1. Les produits et les services
Inventez un nouveau produit ou service est l’innovation à laquelle nous pensons le plus souvent. Pourtant, elle est la plus rare, tant sa création est imprégnée par l’exception. Les entreprises n’inventent pas tous les jours un produit ou un service novateur.
Malgré sa rareté, elle est primordiale !
Je ne connais pas une seule entreprise innovante au niveau de ses produits et services n’étant pas innovante dans les autres domaines. L’innovation des produits et services est communicative aux autres domaines de l’entreprise. D’où sa grande richesse.
« Apple » illustre bien ce principe de contagion. Elle est l’un des symboles de l’innovation dans l’informatique. Avec ses produits, elle a presque toujours une longueur d’avance sur la plupart de ses concurrents. Elle l’est aussi au niveau de son management, très participatif, laissant une liberté énorme à ses collaborateur-trice-s et transformant ses ressources humaines en clan de partenaires.
2. La culture
Affirmer l’innovation comme valeur d’entreprise et la promouvoir en tant que telle, modifie la culture de l’entreprise. Chaque collaboratrice et collaborateur peut – et même doit – émettre ses idées et donner son avis. Chacun se sent participant au destin de son entreprise. La participation s’accentue. L’écoute est optimisée. L’implication s’agrandit.
Vous plantez les graines de la motivation. Elles vont se développer et générer du contentement.
La culture étant pérenne, formant les racines de l’entreprise, en gravant l’innovation dans son marbre, vous garantissez sa propagation dans la durée.
3. Les êtres humains (les ressources humaines) (les richesses humaines)
Piloter les ressources humaines dans un climat innovant anticipe les évolutions managériales.
Les entreprises ayant développé en primeur l’informatique portable pour leurs collaborateur-trices ont bénéficié d’une image de précurseur, attirant ou fidélisant nombre de talents. Elles ont permis, avant les autres, d’engendrer un meilleur équilibre vie privée/vie professionnelle pour leur personnel. Grâce à de telles évolutions, les collaboratrices et collaborateurs sont plus sereins et vivent de façon plus harmonieuse. Ils accroissent parallèlement leur bien-être et leur productivité. Les collaborateur-trice-s et l’entreprise en sortent gagnants-gagnante.
Manager les RH de manière innovante impulse des réflexes innovants dans la façon de travailler des ressources humaines.
4. Les processus
Analyser les processus de gestion d’entreprise sous la loupe de l’innovation est une clé pour obtenir de l’efficience et de la satisfaction clients.
En remettant sur l’ouvrage nos processus, nous identifions presque toujours des actions sans valeur ajoutée. A chaque étape du processus, nous analysons si celle-ci crée ou non de la valeur. Si tel n’est pas le cas, il faut, sans attendre, l’amender ou l’abandonner.
En réinventant un processus de facturation d’une entreprise, j’ai questionné les acteur-trice-s de ce process en leur demandant d’analyser toute une série de contrôles existants. En les faisant réfléchir sur ces points de surveillance en vigueur depuis des années, nous avons rapidement constaté que/qu’ :
- les collaborateur-trice-s savaient que tous leurs actes étaient pointés par leur supérieur ;
- ils se sentaient, de ce fait, pas responsable de leur boulot ;
- ce manque de responsabilisation les démotivait et les abêtissait ;
- cette « couche de contrôles » créait des tensions entre le cadre-contrôlant et son équipe ;
- ces contrôles alourdissaient le processus et créaient des distorsions de délais.
Pour argumenter sur l’apport de son activité, le cadre-contrôleur mettait en exergue les erreurs trouvées. Normal ! Son équipe, ne se sentant pas responsable et subissant ces contrôles, exécutait son travail sans grande attention.
En réinventant le processus, ces contrôles ont été shootés. Le résultat est éclatant. Le cadre-ex-contrôleur se concentre désormais sur la relation clients, créant des solutions de facturation adaptées à des besoins spécifiques et générant ainsi de nouveaux revenus, ces facturations à la carte étant naturellement payantes.
Les collaborateur-trice-s se sentent désormais responsables de leur travail. Leur plaisir s’est amplifié et leur productivité a fortement augmenté. Un an plus tard, dans cette équipe d’une dizaine d’équivalents plein temps, un départ n’a pas été remplacé, prouvant ainsi cette hausse d’efficience.
5. L’organisation
L’organisation est un corps vivant. Pour exister, elle doit évoluer régulièrement. L’innovation est donc un élément moteur de sa mutation.
6. Le système d’information
Le système d’information est très structurant pour une entreprise. Utiliser l’innovation pour le concevoir impulse une force pour changer l’entreprise et épanouir les humains la composant.
SAP, le grand producteur de progiciel intégré de gestion d’entreprise, regroupe les meilleures pratiques de ses nombreux clients dans un domaine. Puis, il déploie la solution à travers son logiciel. Les entreprises s’appuient ensuite sur l’algorithme développé par SAP pour faire progresser leur processus vers les meilleures pratiques de la branche. Le cycle d’innovation est donc sans fin.
Mes 11 étapes de l’innovation
1. Stimuler l’innovation
L’implication de la Direction générale de l’entreprise est le point de départ d’une telle démarche. Lancer une dynamique d’innovation sans une forte implication des dirigeants est l’assurance d’un échec. Le management doit devenir le promoteur de l’agitation des nouvelles idées.
L’innovation doit être élevée au stade des valeurs de l’entreprise. Nous devons nous y référer régulièrement ; Mettre en perspective nos réussites nées de ces processus de créativité.
Pour stimuler l’innovation, il faut communiquer, communiquer, communiquer, communiquer. Communiquer la volonté de l’entreprise de promouvoir l’innovation. Communiquer sur le processus mis en place pour gérer ces idées. Communiquer sur les outils implémentés afin de recueillir les propositions, les suivre et les traiter. Communiquer sur les expériences vécues et les succès remportés en interne ou par d’autres entreprises. Communiquer sur les bonnes pratiques en la matière. La communication va ouvrir les vannes de l’imagination. Elle va démontrer, à chacune et chacun, son pouvoir réel de proposition.
2. Accorder des ressources : temps, moyens, outils, …
Dans la brochure « Créativité et Qualité, des idées fortes » de « Créativité & Qualité », une étude mentionne que sur 26 équipes de développement de produits, les moins créatives étaient celles manquant de temps et de moyens humains ou financiers pour bien travailler.
Un processus d’innovation ne se lance pas sur un coin de table. Ne pas donner les ressources en termes de temps ou d’argent à une telle dynamique assure l’échec.
Une des causes fréquentes des fiascos est la limitation de la mise en œuvre de l’innovation à de simples actions de communication, liées à aucune démarche.
3. Enregistrer les idées nouvelles et suivre leur évolution
Dès que le climat d’innovation est instauré (voir étapes 1 et 2), il faut mettre en place un outil pour recueillir les idées et les suivre. Plusieurs outils informatiques existent et sont efficaces.
Il est essentiel que ces idées et l’évolution de leur traitement soient visibles de toutes et tous, avec une possibilité de les traiter plus confidentiellement dans de rares cas.
Certains ont connu les vieilles boîtes à idées. Généralement, ce système ne marchait pas. Tout simplement, parce que, dans la plupart des cas, ces propositions ne recevaient jamais de réponse, leur état d’avancement n’était pas connu et personne ne se sentait responsable de rejeter ou d’approuver l’idée, puis de la mettre en œuvre.
Le processus doit définir clairement le responsable de l’approbation, puis de la concrétisation de l’idée. Dès son acceptation, un planning et des étapes de réalisation doivent être définis et formalisés.
4. Valoriser le droit à l’erreur
Pousser les employé-e-s à générer des idées, c’est valoriser le droit à « l’erreur », le droit de dire une « connerie ».
Pour trouver de grandes idées, il faut faire preuve de folie, sortir du cadre, se déstructurer, repousser les limites de l’acceptable et creuser dans le terreau de l’utopie.
C’est souvent la naïveté ou la déraison qui crée le génie. L’indulgence et l’ouverture d’esprit doivent dicter la gestion de ce réservoir d’inventions. Le droit à l’erreur est l’une des bases de ce concept.
5. Evaluer les idées
L’évaluation doit être réalisée, soit par une personne clairement identifiée, soit par un groupe établi et reconnu.
Généralement, la « loi des 3 tiers » s’applique :
- 1/3 des idées sont réalisables facilement ;
- 1/3 des idées doivent être étudiées plus en détail ;
- 1/3 doivent être rejetées (voir étape suivante).
L’évaluation doit être argumentée, documentée succinctement et rendue public.
Le nombre d’idées reçues et leur proportion d’acceptation et de refus doivent être communiqués fréquemment et en toute transparence. En cas de diminution du volume d’idées, il est impératif de repartir dans une dimension de stimulation pour ne pas asphyxier, voire faire mourir le système.
6. Savoir Dire NON, sans créer de frustration
Emettre une idée est excitant. Recevoir un refus peut s’avérer frustrant. Un NON doit être communiqué avec un bon accompagnement afin d’encourager l’auteur-e de l’idée non retenue à continuer à en émettre de nouvelles et à rester plonger dans un espace motivant.
Le remède pour réussir cette mission importante du management est : expliquer, expliquer, expliquer. Expliquer que l’idée n’est pas réalisable sur la base d’une argumentation solide. Et valoriser le fait d’avoir osé proposer.
Les seules idées à rejeter fermement sont celles s’apparentant à la délation.
7. Concrétiser
Je fais mienne la citation d’André Malraux : « Les idées ne sont pas faites pour être pensées, mais vécues. »
Les entreprises sont des mines de nouveautés. Les idées circulent partout. Or souvent, nous les évoquons sans les avoir mises en place. Souvent, l’absence d’un processus, tel que défini à travers ces 11 étapes, en est la cause.
Là encore, la réalisation doit être traitée comme une étape traditionnelle de mise en œuvre d’une solution émanant d’un projet. Il faut donc planifier sa réalisation, établir des plans d’actions, définir des éventuelles étapes, identifier les responsabilités, conduire le changement, …
8. Valoriser les nouvelles idées
Même si fréquemment la grande majorité des idées mises en œuvre semblent modestes, elles provoquent un impact conséquent, car elles améliorent le quotidien d’une équipe, et parfois de la clientèle.
Selon l’expert de l’innovation Jim Collins : « C’est le cumul d’innovations et non l’acte spectaculaire qui détermine le succès. »
Toutes les réussites, petites ou magistrales, doivent être valorisées, le succès étant fortement contagieux.
La meilleure valorisation est l’action de « faire connaître ». La propagation de ces bonnes pratiques inciteront à la participation et inspireront d’autres bonnes idées.
9. Valoriser les innovants
Même si comme disait Pierre Joliot : « L’appât du gain ne représentera jamais la motivation principale du chercheur », il est utile de remercier les « trouveur-euse-s » d’idées nouvelles.
Au diable les concepts soviétisants nommant « l’employé-e du mois », ne créant que des jalousies et des divisions à l’intérieur de l’entreprise.
Les meilleures congratulations doivent être, à mon goût, collectives, une bonne idée naissant généralement de l’échange entre plusieurs personnes. L’esprit d’équipe en sortira gagnant !
Elles peuvent être financières, mais pas forcément. Un cadeau, un bon repas, un jour de congé supplémentaire, une participation à un événement extraordinaire ou l’organisation d’une fête peuvent consolider l’émergence d’une culture entrepreneuriale et innovante, et ancrer la motivation dans la culture de l’entreprise.
10. Evaluer l’idée mise en œuvre et la faire évoluer
Une bonne idée se révèle rarement comme une bonne réalisation, du premier coup. Tout nouveau concept doit être évalué régulièrement et amendé pour atténuer au maximum ses dysfonctionnements. C’est aussi un moyen de crédibiliser sa mise en place.
Remettre l’ouvrage sur le métier est gage de qualité. Finalement, même un concept performant et positif doit évoluer. Le dicton populaire le dit très bien : « Si tu n’avances pas, tu recules. » Il faut donc oser remettre en question les éléments, même quand tout semble bien aller.
11. Cercle sans fin / amélioration continue
Ces différentes étapes sont itératives. Elles forment un cercle sans fin. Repartir à la première étape et re-parcourir les suivantes s’inscrit dans une politique d’amélioration-continue, signe de bonne santé d’une entreprise.